Le Parti communiste s’est rallié à Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle, sans adhérer à son mouvement : la France insoumise. Comment fait-on campagne quand on n’a pas son propre candidat ?  Rencontre au QG de la section PCF d’Ivry-sur-Seine, une ville communiste où la présence du parti est très importante au quotidien.


« On ne pense pas qu’un mouvement citoyen durable va émerger de la France insoumise, donc on ne met pas toutes nos forces dedans parce qu’on pense que ça va se casser la figure« , confie Nicolas. Ses camarades de la section d’Ivry-sur-Seine approuvent. Défendre des idées plus que soutenir un candidat, ainsi s’annonce la campagne du Parti communiste. La question du ralliement à Jean-Luc Mélenchon a divisé les militants du parti, qui ont finalement décidé à 53.6% de suivre le candidat de la France Insoumise pour l’élection présidentielle. « La décision a été d’appeler à voter Mélenchon tout en menant campagne de manière autonome« , explique Julien. Pour les militants du PCF, le parti joue la carte du rassemblement afin d’éviter un second tour Fillon/ Le Pen.

Ici on reconnaît que l’engagement sera moins intense qu’il ne l’aurait été avec un candidat communiste. Le parti fera campagne, mais chaque militant a la possibilité de décider de son engagement. Au QG d’Ivry, on sait que certains vont se mobiliser pour Jean-Luc Mélenchon, mais d’autres sont moins enthousiastes, comme Janine : pour l’instant elle n’a « pas envie de s’engager dans cette campagne« .L’ancien candidat du Front de Gauche s’est engagé très tôt dans la campagne pour obliger les communistes à prendre position, sans les consulter au préalable, explique-t-elle. Ce ne sont pas tant les idées de Mélenchon qui dérangent, que sa manière de procéder.

Les législatives en ligne de mire

Soucieux de conserver son indépendance, le PCF a refusé de signer la charte de la France Insoumise, ce qui n’empêche pas une campagne commune. « A Ivry, il y avait une vraie réalité du Front de Gauche, donc on parle beaucoup avec les animateurs principaux de la France Insoumise« , assure Nicolas. C’est un compromis offert aux sympathisants qui ne souhaitaient pas le ralliement mais qui peuvent ainsi tout de même militer. « De toute façon, Mélenchon est le candidat le plus proche de nos idées sur cette élection, donc faire campagne pour le PCF, c’est quand même faire campagne pour Mélenchon« , estime Julien.

En même temps que la campagne présidentielle se joue la campagne législative. Séparés par quatre semaines, les deux scrutins sont forcément liés. « On va militer de toute façon pour faire gagner un député communiste, donc les communistes seront aussi présents sur le terrain pendant la présidentielle« , explique Julien. Pour l’élection législative qu’ils considèrent plus démocratique et plus représentative, la campagne se fait de manière plus collective. « On fait des ateliers pour que les gens viennent co-construire le programme du candidat » précise Nicolas.

Le PCF en campagne, ça change quoi sur le terrain ?

Les militants ne voient dans la France Insoumise « qu’un mouvement électoral« , tandis qu’eux « existent en dehors des élections« . Le Parti communiste est un parti de terrain, actif tout au long de l’année au travers de nombreuses actions de solidarité notamment. En temps de campagne, pas question d’abandonner ces initiatives, une bataille sur le long terme contre le racisme vient par exemple d’être lancée à Ivry-sur-Seine. « Tout va ensemble, explique Julien, quand on fait des actions de solidarité, c’est aussi une manière de faire de la politique d’un autre biais, de toucher d’autres personnes« .

Dans les mois qui précèdent l’élection présidentielle, la mobilisation des militants est par contre beaucoup plus intense. « On fait toujours du porte à porte. La différence en campagne, c’est que toutes les portes de la ville sont faites« , reprend Sarah Misslin, secrétaire de section. « On prend le temps de discuter avec les gens pour les convaincre, même si parfois on ne fait que quatre portes en deux heures !« . A chaque fois, « un engouement incroyable » se crée au sein du parti à mesure que la campagne avance, témoignent les militants de la section, forts de leur expérience.

Du côté de la France insoumise, on sait que le soutien du PCF ne peut être qu’un plus. « Déjà, on sait qu’on aura aucun problème à trouver les 500 signatures donc on peut concentrer nos forces sur d’autres actions« , confirment de jeunes Mélenchonistes. Même un pied en dehors du mouvement, le Parti communiste reste une formidable puissance de terrain.

Stanislas Vignon