Au forum du FNJ, l’agencement de la salle est sommaire. Quelques chaises disposées en rangées attendent l’arrivée des militants.
Au forum du Front national de la Jeunesse (FNJ), les militants se réunissent pour déconstruire le programme de l’adversaire, François Fillon.
Entre deux salons de beauté et un local désaffecté, se cache une petite porte en bois. Dessus, une plaque, avec une inscription gravée en lettres majuscules : « le forum ». L’un des premiers invités sonne. Manon vient l’accueillir, souriante. Ils traversent un hall d’accueil lugubre, montent quelques marches, puis arrivent dans la salle principale. Au centre, quelques chaises noires ; au fond, un bureau et un écran de projection. La petite pièce est étouffée par une bibliothèque murale en bois. L’invité pose ses affaires, reconnaît quelques connaissances, les salue, puis s’assied.

Le forum. C’est ici que le FN forme ses jeunes militants. Tous les mercredis, ils sont conviés à une séance de discussion, de débat, ou de formation théorique. “Le premier objectif est de former nos militants mais l’événement est ouvert au public. Nous acceptons tout le monde, nous ne sommes pas sectaires”, affirme Eric, boulanger et responsable du Front national de la jeunesse (FNJ) de Paris. “Ici, il est rare que quelqu’un défende un point de vue contraire à la ligne du parti. Le reste du public est formé de sympathisants et de journalistes”.
Davy Rodriguez, directeur national adjoint en charge de l’implantation du FNJ en Ile-de-France, a pour ambition d’apporter des éléments de culture générale aux militants. “Nous accordons une grande importance à leur formation intellectuelle pour qu’ils se sentent bien dans leur tête”, explique-t-il. “Les formations sont destinées à un public de militants assez large, qui brasse dans les fédérations de petites et grandes couronnes de la région. Elles redonnent du sang neuf aux équipes”. Le ton du jeune homme se veut bienveillant. Il explique : “les réunions de rassemblement ne sont pas obligatoires et invitent chacun à s’engager en fonction de ce qu’il peut fournir comme investissement”.

Au programme ce soir, une conférence-débat sur le thème : “Fillon, candidat de l’oligarchie”. La description : “Nous verrons le programme de F. Fillon en ce qu’il a de plus antisocial, antipatriote et finalement de plus conforme aux projets de la caste en place !”
Davy Rodriguez est en costume bleu, cravate rose foncé. Cet étudiant de Sciences Po parle d’un ton enjoué, assuré. Après avoir reconnu le caractère volontairement provocateur du titre de la conférence, il énumère les surnoms de François Fillon : “Droopy ; Mr. Nobody ; Eunuque ; Sans couilles”. Le ton est donné. Sa voix porte ; elle se laisse écouter. “Les électeurs de la primaire ne sont pas les 44 millions qui se rendent aux urnes”, rappelle-t-il. Eric Zemmour apparaît en visioconférence sur l’écran. Davy Rodriguez lance une de ses chroniques sur RTL. “Ce sont les inclus et non pas les exclus qui se sont rendus aux urnes”, dit le chroniqueur. Un propos appuyé par Davy qui reprend un article du Monde, jugé intéressant. “Ceux qui sont allés voter Fillon sont des retraités, des diplômés plutôt riches. Des ‘insiders’”.
Point par point, Davy Rodriguez démonte les propositions de François Fillon. “Programme économique ultralibéral” ; “politique d’austérité à contretemps” ; “guerre déclarée aux pauvres” ; “vote par ordonnance” ; “réformes antisociales” ; “privatisation de la Sécurité sociale”… Tout y passe. “Fillon veut augmenter la TVA. Rappelons que c’est l’impôt le plus inégalitaire. En clair, Joël, électricien, ici présent dans la salle achète sa bouteille d’huile le même prix que les trente-six valets de Liliane Bettencourt…”
Davy est coupé dans son élan par Thibaud, le « grognon » de l’audience. “Quelle solution pour la TVA alors ? Je ne trouve pas ça absurde de payer mon lait le même prix que tout le monde”. Davy acquiesce et répond brièvement sans plus argumenter. Chemise blanche, pantalon de travail et grosse montre au poignet, « grognon » semble soutenir un programme économique plus libéral que celui du Front national. La parole lui est laissée chaque fois qu’il le souhaite, pour apporter “un éclairage critique au débat”.

Si l’économie est mise à l’honneur, la religion et l’immigration restent les thèmes phare du parti. Le port d’un turban sikh lorsque François Fillon avait été convié à une prière dans un temple de Bobigny passe bien dans le public. “Vous auriez-vu Ségolène Royal porter le voile lors de l’inauguration d’une mosquée ?” L’inauguration de la mosquée d’Argenteuil à sa réouverture en 2009 est elle aussi critiquée. “Son lien avec le salafisme était déjà connu”.

Le bilan de l’ancien Premier ministre en matière d’immigration est jugé “accablant”. “Comment pouvez-vous respecter les marqueurs de droite avec un million d’immigrants en cinq ans ?” Beaucoup hochent la tête. “Marine Le Pen est la seule candidate qui représente la grande masse abandonnée, le peuple ! Et ici, on ne parle pas qu’aux 3,5 millions qui sont allés voter à la primaire”. La salle applaudit.
Il fait chaud. Un bruit de verre cassé se fait entendre. Un participant vient de renverser sa bouteille de bière. “Voilà que les dégâts commencent”, dit, amusé, le jeune militant FN.
Lina Kortobi
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