Laurent Jacobelli est le directeur de campagne de Nicolas Dupont-Aignan. Il nous a ouvert les portes du QG du candidat de Debout La France.
Il est 10h21. Laurent Jacobelli, en costume-cravate bleu foncé impeccable, descend tranquillement les marches vers l’entrée austère. A côté de l’accueil déserté, un petit sapin de Noël avec des guirlandes bleu-blanc-rouge. Seule, une affiche au coin de la table avec le logo “NDA 2017” indique au visiteur qu’il se trouve au QG de campagne de Debout La France (DLF). Depuis un mois, le parti du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan a établi ses bureaux dans un immeuble de la rue de l’Université, juste en face de l’Assemblée Nationale, dans le VIIe arrondissement de Paris. Laurent Jacobelli, 47 ans, gère une équipe d’une vingtaine de personnes. Une qualité indispensable : la souplesse.
Laurent Jacobelli se considère comme un “vrai patriote” et un “gaulliste social”. Des convictions qui se traduisent dans la décoration de son bureau : sur la cheminée derrière lui trônent un portrait du général de Gaulle et une reproduction de “La liberté guidant le peuple” d’Eugène Delacroix. Sur le revers de sa veste, est accroché en permanence un pin’s du drapeau tricolore, indispensable accessoire de la campagne.
11 heures. Le portable de Laurent Jacobelli – toujours muet parce qu’il déteste les sonneries – vibre discrètement. “La salle dans la Maison de la Chimie n’est plus disponible”, apprend-il. Tout le planning des meetings a été décalé à cause des aléas de la campagne : il manque un lieu pour le grand meeting prévu à Paris début février 2017. Il reste imperturbable. Les traits tirés mais un petit sourire en coin toujours présent et confiant. Une petite note dans l’agenda, quelques mails envoyés : il va essayer de négocier avec la maison dans les prochains jours tout en cherchant un plan B.
11 heures 13. David, sympathisant du parti et militant anti-Hollande, est arrivé. Rendez-vous à huis clos avec cet homme qui veut “proposer une action” pour la campagne de Nicolas Dupont-Aignan. Pour l’instant, personne n’en connaît les détails. Une demi-heure plus tard, Nicolas Dupont-Aignan arrive dans les locaux du QG. Un très sobre “Bonjour, tout le monde” lancé aux deux militants présents et il entre dans le bureau de Laurent Jacobelli pour participer à la réunion.
12 heures 03. Laurent Jacobelli a tombé la veste. Il s’entretient avec Mathieu Grasse, jeune militant issu de Sciences Po et responsable des déplacements de Nicolas Dupont-Aignan. Ils discutent de la visite prévue le lendemain à Lyon et vérifient ensemble les contacts sur place. Puis, un coude sur la table, le menton posé dans le creux de sa main, Laurent Jacobelli parcourt la newsletter afin de vérifier les informations de la campagne, envoyées deux fois par semaine aux adhérents. “Il faut ajuster le gif à la fin”, dit-il simplement à Rémi, un autre militant, qui rédige ces lettres.
Le buzz et le culte du secret
12 heures 24. Vibration de téléphone. Sabrina, une responsable départementale du parti, appelle d’Alsace. Vingt minutes de discussions. Les deux interlocuteurs semblent en désaccord. Ils débattent de l’annulation d’une visite d’entreprise prévue dans le Bas-Rhin le lundi suivant. En cause : l’invitation du candidat Nicolas Dupont-Aignan aux “Grandes Gueules” de RMC. Laurent Jacobelli tente de calmer la frustration de la militante. “Une campagne électorale, c’est national. L’émission fait près d’un million d’auditeurs. C’est important. Si nous refusons, on perd en visibilité.” Il écoute attentivement, ne coupe pas la parole, puis raccroche, l’air troublé. “Sans les médias, on ne peut pas vivre, mais en même temps, il faut continuer de se déplacer, déplore-t-il . On est obligés de s’adapter en permanence.”

12 heures 51. La porte de son bureau toujours entrouverte, Laurent Jacobelli pianote énergiquement sur son ordinateur. Il rédige un mail au sujet du clip que doit réaliser Nicolas Dupont-Aignan pour adresser ses voeux aux Français. “On espère faire un buzz.” Mathieu Grasse, ancien lieutenant de Laurent Jacobelli lors des régionales de 2015 dans le Grand Est, fait plusieurs et brèves apparitions dans le bureau afin de transmettre les dernières informations relatives à la sécurité du déplacement du lendemain.
13 heures 25. Au menu : déjeuner avec des journalistes dans un restaurant place du Palais-Bourbon. Une fois par semaine en moyenne, Laurent Jacobelli, également porte-parole et secrétaire adjoint de Debout La France, donne ses entretiens en “off”. Même si cela ressemble à une “action de marketing”, Laurent Jacobelli tient à maintenir ce cercle fermé. Par conséquent, nous sommes indésirables.
Ne pas en dire trop. C’est une maxime pour le directeur de campagne. Il n’entretient d’ailleurs aucune relation avec ses homologues. “C’est comme un culte du secret, il ne faut pas donner des armes aux autres”, chuchote-t-il, ses yeux bleus brillants de malice. “C’est une campagne, on est en concurrence.” Parfois, les informations fuitent et cela démoralise les militants. Par exemple, lorsqu’il a fallu reporter l’inauguration du QG de campagne, puisque la date initiale du 16 novembre avait été révélée. “Lorsque le Front [national] a connu cette date, il a décalé exprès le timing de sa propre inauguration, juste une demi-heure avant la nôtre”, se souvient Laurent Jacobelli.
Un mystérieux interlocuteur
15 heures 29. Retour dans le bureau et nouvelle vibration du portable. De nouveau l’affaire du déplacement annulé en Alsace. Cette fois-ci, c’est un maire qui demande des nouvelles. Laurent Jacobelli reste calme et trouve avec justesse les mots pour rassurer, consoler sans décourager, et surtout, raviver la motivation de l’élu. “Voilà, sans les médias, on ne peut pas vivre. C’est triste, mais c’est comme ça”, dit-il comme pour clore l’épisode.
15 heures 45. Laurent Jacobelli sort un petit morceau de papier de sa veste. Dessus, un numéro qu’un adhérent lui a donné en douce la veille. Il suffit d’un quart d’heure de négociations pour convaincre le mystérieux interlocuteur de la discrétion d’un rendez-vous la semaine suivante. “C’est quelqu’un proche de l’administration qui peut nous témoigner des dysfonctionnements de l’État.” Pour Laurent Jacobelli, ce sont aussi ces petits rencontres, informelles et secrètes, qui participent grandement à la campagne. L’objectif ? Se rappeler pourquoi on se bat. “Il ne faut surtout pas qu’on soit technocrate, il faut avoir les deux pieds sur le sol.” Ainsi, il veut lutter contre le “système” représenté à leurs yeux par “les vieux partis et les journalistes”.
16 heures 28. Comme tous les mercredis, les équipes parisienne et yerroise de Nicolas Dupont-Aignan se réunissent au QG parisien afin de définir les grandes lignes de la campagne jusqu’à avril 2017. Ce mercredi, la douzaine de personnes présentes dans une grande salle aux moulures dorées délibère sur les “quatre à cinq grands meetings en province” prévus jusqu’à la fin de la campagne. Les détails restent secrets. Les équipes, composées principalement de jeunes bénévoles dévoués, coordonnent deux autres objectifs pour cette fin d’année 2016 : relancer les adhérents pour leurs dons et faire un point sur le clip de fin d’année à produire dans les prochains jours.

18 heures 20. Après la grande réunion, Laurent Jacobelli continue les rendez-vous, en tête-à-tête cette fois, afin de faire des ajustements plus précis. D’abord avec Mathieu Grasse pour les déplacements, puis avec Olivier Clodong, au sujet des textes officiels de la campagne, afin de préparer l’envoi postal du programme dans tout le pays, à une semaine de l’élection présidentielle. Même si on est encore loin du scrutin, Laurent Jacobelli tient à ce que ces textes soient “très bien écrits”. Et cela nécessite comme la conception des affiches “des dizaines d’heures de réflexion et de rédaction”.
Cinq heures de sommeil
19 heures. Alors que les premières lumières des bureaux du QG s’éteignent, Laurent Jacobelli reste concentré. Il profite de ces moments de calme pour se pencher sur son ordinateur et répondre à des mails qui demandent des textes plus longs et réfléchis – généralement à des responsables départementaux. C’est aussi le temps de passer quelques coups de téléphone en interne. Au total, dans cette journée, Laurent Jacobelli aura passé une vingtaine d’appels. Une journée relativement calme, leur nombre approche généralement la centaine. “Aujourd’hui, c’était très administratif, beaucoup de prévu. Parfois, c’est plus mouvementé : je fais des déplacements en province, je visite des salles pour un meeting, je donne des interviews aux journalistes”, commente-t-il.
22 heures. Moment d’intimité entre Laurent Jacobelli et Nicolas Dupont-Aignan. C’est un temps calme pour se retrouver et faire le point avec le candidat. Ils reviennent sur les événements de la journée et les décisions à prendre, ainsi que sur les points-clé de l’agenda des prochains jours.
Rentré chez lui en banlieue parisienne, Laurent Jacobelli travaille encore. Il lit des articles, consigne des idées dans son agenda papier – autre objet qui lui est indispensable. Puis il se met au lit pour seulement cinq heures de sommeil avant de reprendre la bataille de la campagne dès le lendemain : passer ses premiers appels lors de son petit-déjeuner, avant de se rendre au QG. “Les 35 heures, ici, on les fait en deux jours !”
Jan-Hendrik Maier et Eleonore Voisard
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