En politique, tout peut se jouer à une cravate près. Qu’il s’agisse du lieu où ils se rendent ou du message qu’ils veulent faire passer, le choix des vêtements est crucial pour les candidats. Décryptage en quatre points avec Samir Hammal, maître de conférences à Sciences Po et spécialiste de la mode en politique.
1) Le costume-cravate/tailleur : le grand classique
Le costume, c’est la base de la garde-robe pour un homme politique. Sobre, bien coupé et agrémenté d’une cravate, il est indispensable pour les sorties officielles et les apparitions médiatiques, notamment télévisées. Son pendant féminin est le tailleur. « C’est le vestiaire classique pour jouer l’incarnation du président de la République« , affirme Samir Hammal.
Contre-exemple : Bruno Le Maire, qui avait choisi de ne pas porter de cravate lors du premier débat de la primaire de la droite et du centre. “Il est revenu à la cravate dès le deuxième débat car on avait estimé qu’il n’était pas assez présidentiable, analyse-t-il. Il ne faut pas qu’il y ait de hiatus entre ce qu’ils sont et l’image sociale qu’ils renvoient à travers leur vestiaire, sinon ils sont morts. C’est un peu ce qui est arrivé à BLM. C’est compliqué pour lui d’être le révolutionnaire alors qu’il a un parcours très classique.” Pour Samir Hammal, “François Fillon et Bernard Cazeneuve maîtrisent bien l’exercice”. Idem pour Nathalie Kosciuszko-Morizet, elle aussi « très élégante ».
2) L’habit du salarié : ça passe ou ça casse
Autre passage obligé pour tout candidat en campagne : les déplacements sur le terrain, par exemple pour des visites d’entreprises. Ici, l’exercice vestimentaire est plus complexe. L’objectif est de se montrer plus proche des électeurs. « Pour un déplacement sur un site industriel ou dans une entreprise, le candidat en campagne va revêtir les habits de l’entrepreneur ou du salarié. On va faire tomber la cravate, par exemple. C’est quelque chose que Macron fait très bien », note Hammal.
Mais parfois, les candidats grossissent le trait, au risque de tomber dans le cliché. « Les politiques sont toujours très enclins à utiliser le costume du travailleur en se parant de tous les attributs possibles : la casquette, les lunettes ou la blouse quand ils sont sur un site industriel. Parfois, les mesures de sécurité ne l’imposent pas, ce qui donne des situations cocasses. D’un côté, vous avez le politique en combinaison complète ; de l’autre, les journalistes et ses accompagnateurs en tenue lambda. »
3) Une tenue détendue : la carte de la proximité
De plus en plus de politiques optent pour une tenue détendue quand ils se déplacent. Objectif : être moins conventionnel que sur les plateaux de télé, s’habiller comme monsieur Tout-le-monde. Les politiques veulent incarner ce que les électeurs attendent d’eux, essayer de leur ressembler. “Il faut prendre en compte la pression de l’électorat. Par exemple, Jean-Luc Mélenchon ne va pas arriver en meeting avec des chaussures à 3000 euros. Ca ne veut pas dire qu’il a moins de goût que les autres candidats. Mais il achète moins de vêtements de marques de luxe.”
4) La mise en scène à tout prix
Dernière tenue spécifique, peut-être la plus drôle : celle de la mise en scène, du « bienvenu chez moi » ! Qui n’a pas été marqué par cette superbe photo de Jacques Chirac en espadrilles dans le Concorde ? « Si un responsable politique livre son intimité ou sa vie familiale aux médias, il doit faire varier son vestiaire, explique Hammal. C’est là que commence la mise en scène, que ce soit dans des émissions de télévision ou dans des émissions d’infotainment. »
Un exemple également valable dans la presse écrite. En novembre, François Fillon a par exemple ouvert les portes de son manoir de Beaucé pour un reportage de Paris Match. Il apparaît dans son jardin, entouré de sa famille, vêtu simplement d’un pantalon beige et d’une chemise au col dégrafé.
Romain Harent
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