Dans le milieu politique, Lutte ouvrière est surtout connu son opacité et ses scores à un chiffre aux élections présidentielles, auxquelles il se présente systématiquement depuis 1974. Nathalie Arthaud est candidate en 2017 avec une communication plus frugale que les grands partis traditionnels et des ressources bien plus faibles, quoique diversifiées.


Lutte ouvrière face au PS, aux Républicains ou au FN, c’est un peu David contre les Goliaths. LO n’a pas un seul député, seulement huit élus municipaux et peu de moyens. Mais cette année encore, le parti aura une candidate – Nathalie Arthaud, porte-parole – à la présidence de la République. Avec les moyens du bord.

Quand certains candidats ont pris le virage du numérique, Lutte ouvrière mise d’abord sur la politique à l’ancienne avec meetings, tracts et conférences de presse. Mais à son échelle. Loin du Palais des Congrès rempli pour François Fillon, les réunions sont organisées dans des petites villes comme Annecy ou Saint-Étienne. Seule exception: le Cirque d’Hiver à Paris où 1200 personnes se sont rassemblées fin septembre pour l’annonce officielle de la candidature de Nathalie Arthaud à la présidentielle.

Fête de Lutte ouvrière à Montbéliard
Fête de Lutte Ouvrière, le 9 avril 2016, à la Roselière, à Montbéliard, en présence de Nathalie Arthaud.

Sur le web, LO est un nain par rapport à Jean-Luc Mélenchon ou autres Emmanuel Macron. Le compte YouTube de Nathalie Arthaud affiche 48 vidéos, dont aucune ne décolle au-dessus des 1200 vues. Même difficultés pour le compte de Lutte ouvrière qui n’a pas encore atteint le cap des 200 abonnés.  La vidéo la moins consultée l’a été… neuf fois.

Si la campagne 2.0 fait défaut aux partisans de la Révolution, il reste la télévision. Mais là aussi, l’audience est réduite : Nathalie Arthaud est surtout présente sur les chaînes régionales de France 3. Les principales antennes nationales ont, elles, tendance à bouder la porte-parole. L’association de critique des médias Acrimed l’avait relevé en 2011 et c’est encore vrai. La loi, qui impose la diffusion de spots électoraux pour tous les candidats à l’élection présidentielle, donnera un peu plus de visibilité à LO.

Des fêtes qui rapportent gros

Bien que d’une échelle modeste, un telle campagne présidentielle représente une grosse dépense. D’autant plus difficile à assumer que, sans élus, Lutte ouvrière n’est pas financé directement par l’Etat. Par chance, les trotskistes savent faire fructifier le capital…

Humain d’abord. Le mouvement trotskiste peut compter sur les cotisations des adhérents (estimés à 8000 en 2010), qui ont versé plus d’un million d’euros en 2014. Une deuxième source de financement provient des élus municipaux LO qui reversent une partie de leur indemnité au parti. Les sympathisants passent eux aussi à la caisse puisqu’ils ont donné environ 700.000 euros au mouvement 2014. Enfin, les fêtes organisées par Lutte ouvrière, comme celle du château de Bellevue à Presles, rapportent plus d’un million d’euros par an.

Les Éditions d’Avron, une entreprise privée située à Pantin, en Seine Saint-Denis, qui est aussi quartier général de Lutte ouvrière, sont le dernier pilier de l’économie du parti. En 2013, les publications ont rapporté 2.700 euros de bénéfice net au parti. Une somme très faible. Mais c’est aussi là que sont imprimés les tracts, l’hebdomadaire Lutte Ouvrière et le magazine Lutte de classe qui tirent respectivement à 12.000 et 5.000 exemplaires par numéro. Les Editions d’Avron permettent donc de réduire substantiellement les dépenses.

L’entreprise est détenue par quelques camarades parmi les plus anciens et les plus fidèles. On y retrouve notamment Michel Rodinson, 70 ans, l’un des principaux dirigeants de LO, et Jean-Claude Hamon, 79 ans, ancien candidat LO aux législatives de 1978. Contacté, ce dernier n’a pas souhaité commenter le fonctionnement des Éditions d’Avron et ses liens économiques avec le parti.

Charles-Albert Bareth